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Stratégie

Pas d’UE sans IA

Frédéric Lasnier
Frédéric Lasnier
Chief Executive Officer

Pas d’Union Européenne sans Intelligence Artificielle.

En me baladant depuis quelques jours en Grèce, je réalise que je touche pour la première fois vraiment la crise de 2008 et ses prolongements. En fait j’en avais été anormalement préservé.

Et je me dis en flânant un peu partout que cette crise financière a muté en crise technologique. Ou peut-être que c’est le contraire ?

Athènes n’est pas seulement touchée dans ses comptes en banque et du point de vue des marchandises qui parfois manquent encore dans les magasins.

C’est plus que cela. Ce qui m’apparaît, c’est une certaine forme de fracture numérique au sein même du continent. Moins de services publics disponibles en ligne, une population utilisant des terminaux moins puissants, mais plus encore, le mouvement startup n’a pas la même force ici qu’à Paris ou Berlin.

599 startups grecques dans Angel list quand il y en a 5120 en France et 5761 en Allemagne. 60% de startups en plus par million d’habitants à l’Ouest, quand on sait que les crises sont des périodes favorables à la création d’entreprises et à la prise de risque.

In fine, le manque de financement du pays se traduit dans un manque dramatique d’innovation et de gains de productivité. Tout cela au moment même où le monde change d’ère, au moment où il y en a le plus besoin. La fracture ne peut que s’amplifier ; et à grande vitesse.

Cette situation grecque, bien plus dramatique que ne peut l’être celle du reste de l’Europe en apparence, me démontre à quel point la messe est dite sur notre continent, qui fut celui de la domination du monde par la connaissance : technologique, médicale, militaire…

Pas d’Union Européenne sans Intelligence Artificielle.

Les visions étriquées des politiques, mais aussi des entrepreneurs et des investisseurs continentaux pourraient maintenant faire basculer l’Europe tout entière dans la féodalité.

 

La France, avec son vieux principe de précaution, avait ouvert la voie à la sanctuarisation de la peur, en préférant condamner les débouchés scientifiques potentiels dans des domaines pourtant fantastiquement prometteurs.

Ainsi, nous sommes le pays qui interdit totalement les OGM dans l’agriculture mais qui applaudit des deux mains et la larme à l’œil quand une équipe médicale sauve un seul enfant en utilisant des cellules modifiées. Ce qui est très dangereux pour les plantes ne pose aucun problème quand il s’agit de le transférer à un enfant. Alors que l’on pourrait peut-être en sauver des millions.

Nous, européens, ne sommes plus les innovateurs conquérants du 20è siècle. Nous sommes les athéniens qui ont mis un genou à terre devant Rome. Nous sommes Rome qui a mis un genou à terre devant les barbares.

Comme d’habitude, je ne m’adresse ici qu’aux entrepreneurs et aux innovateurs, dans une optique d’entraide permanente. M’est avis pourtant que le sujet devrait intéresser tout le monde.

Aujourd’hui les européens sont sur le point de perdre définitivement, et pour les siècles à venir, la bataille de la technologie.

Les conséquences, comme le dit mieux que moi Laurent Alexandre, seront dramatiques, peut-être même comparables à celles qui ont accompagnées la chute de l’Empire romain. Une redistribution absolue des cartes. Pourquoi ?

Et bien tout simplement car le débat en jeu, cette fameuse intelligence artificielle, porte en fait majoritairement sur notre capacité à comprendre le monde grâce à des capacités de traitements inédites, dont la croissance est ultra rapide (exponentielle sur le software, géométrique en paramètres des machines physiques… seule l’intelligence humaine disponible progresse à un rythme arithmétique).

Les débouchés de cette capacité d’analyse data sont sans limite de volume ou de domaine : santé, agriculture, défense, commerce, industrie.

Nous sommes très nombreux à l’avoir compris. Pourtant il continue de flotter dans l’air un parfum de peur instrumentée ou d’incompréhension profonde.

 

Ce qui et en jeu ? C’est la quantité d’intelligence nationale disponible ! Exactement comme avant, comme il en a toujours été !

Si les capacités de traitement augmentent à un rythme logarithmique dans un pays, et à une vitesse arithmétique dans un autre pays, ce dernier pays sombrera à une vitesse probablement inédite dans l’histoire de l’humanité.

Il fera l’objet de coups d’états intentés depuis l’extérieur sur les réseaux sociaux (nous en avons déjà eu des approches), son industrie s’effondrera et il deviendra dépendant dans tous les domaines.

C’est exactement l’expérience que la Grèce est en train de vivre. L’Europe n’a pas été capable de comprendre que ce qui lui arrivait était, en fait, relatif au niveau de connaissance et à la quantité de technologie disponible dans le pays, pour faire face à son manque de productivité. Depuis, elle ne s’en sort pas. Elle ne rebondira que lorsqu’elle aura touché le fond.

Beaucoup de pays sont dans la même situation. Peut-être même tous finalement : France, Allemagne, Suède… sont sur le point de voir 100% de leur production industrielle passer sous le contrôle d’un OS américain et d’une distribution online chinoise et américaine, basée sur des algorithmes américain et chinois également.

Le « design » à l’européenne sera vassalisé derrière les usages des plateformes technologiques, que ce soit Android ou un autre. Il sera assimilé par l’usage des techs majeures. Tous les autres domaines suivront. Le vin que l’on produira en aquaponie dans des serres, avec des intrants d’eau chargée de la quantité exacte de minéraux absorbée par un pied de vigne moyen, en 1982 ou 1961, (les plus grands des millésimes de Bordeaux), dans le Médoc. Mais si je veux, je peux vous faire un Haut Brion 90. C’est pas mal non plus et la Data pour le produire existera.

 

Que peuvent faire les entrepreneurs européens ?

Dans ce contexte, l’entrepreneur ou l’innovateur doit réfléchir très vite aux options qui sont les siennes. Son déroulé stratégique est de plus en plus évident, mais de plus en plus rapide. Le siège mondial de la Data est en Californie, et bientôt en Chine (une quinzaine de licornes cette année, près d’un quart du total). La capacité de financement de ses innovations est beaucoup plus importante aux US que n’importe où ailleurs. A un moment ou à un autre, il lui faudra partir.

Rester en Europe, c’est choisir la contrainte : GDPR, manque de capital, insuffisance stratégique des esprits, toxicité et négativisme de l’environnement, capacités de design dérisoires pour les produits et le marketing, financements trop faibles, dogmatisme et peurs variées. Le débat entre Bruno Lemaire et Laurent Alexandre est révélateur, même sous l’ère Macron.

Ne vous attendez pas trop à ce que la France lance très vite une crypto monnaie garantie pour ses entrepreneurs e-résidents, basée sur la production annuelle de grands crus.

C’est pourtant ce que la Grèce devrait faire d’urgence. Se refonder sur des bases solides et les hyper digitaliser. A l’exception des Estoniens, aucun ministre des affaires étrangères, aucun ministre des finances européen, n’est capable de comprendre que le concept d’e-résidence s’apparente étrangement à celui des eaux territoriales ou du ciel national et que dans ces nouveaux espaces, des Cloud 3.0, la suprématie s’acquerra par l’Intelligence Artificielle.

Je dois m’arrêter là sur ces constats, cesser de me lamenter comme ça, on pourrait croire que je suis français. Car il n’y pas que le cadre légal européen qui pose problème.

Il y a aussi et surtout nous, les entrepreneurs du continent. Nous ne sommes pas à la hauteur non plus : ni dans la liberté de créer, ni dans la capacité à simplifier nos idées, ni dans l’exécution et les process. Ni dans la quantité de travail que nous consentons, comparativement à un asiatique ou un américain.

 

L’intelligence ne sera pas une marchandise, pas plus hier qu’aujourd’hui !

 

Lisez aussi : L’Intelligence Artificielle appliquée


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