Compte tenu de l’impact qu’a l’agenda du Brexit sur l’évaluation de la Livre Sterling, beaucoup d’entreprises britanniques qui externalisent leurs services en mode offshore ont fait leurs calculs. Et comme la majorité d’entre elles sont exposées aux fluctuations des zones de production euro ou dollar et que les coûts de recrutement s’élèvent à peu près à 50% de leurs revenus, leur EBITDA pourrait subir une chute de 7, voir 10 points… dans une industrie où les marges nettes moyennes vont de 7 à 15% ! Il est vrai que les salaires de ces pays sont souvent négociés en/ou exposés à l’euro (Europe de l’Est par exemple) ou au dollar (ex-URSS, Inde, Malaisie…).
Bonnes nouvelles pour les « Brexiters » mais pas si bonnes pour le secteur ! Et on parle ici seulement de l’impact monétaire alors que les effets réels du Brexit restent à venir….
Quelle que soit la fiabilité de l’économie nationale, le secteur du « digital business » britannique est largement exposé à la zone euro. Le pays a joué jusqu’à présent le rôle d’un sas pour les entreprises américaines, un lien entre les réglementations américaines et européennes.
Compte tenu des plans de sortie de l’UE actuels, les observateurs s’attendent également à une forte croissance des salaires dans le Royaume-Uni… Et pensons aussi à ceux qui ne vont jamais rejoindre l’UE. Dans un tel contexte, la productivité digitale du pays pourrait être affectée et l’externalisation des services dans des zones offshore pourrait s’avérer être la seule solution viable afin d’absorber la charge de travail et l’inflation.
À mon avis, il y aura 2 types d’opérateurs offshore/nearshore. Les entreprises avec une forte empreinte dans le Royaume-Uni qui exercent des activités traditionnelles ou de BPO seront les plus affectées par le nouveau paradigme. Leurs employés étrangers vont espérer une croissance salariale alors que dans le même temps, l’opportunité de renégociation des contrats clients sera de plus en plus réduite dans ce contexte de croissance nulle voire même de récession. Oui, je me réfère ici aux entreprises britanniques avec un vieux portefeuille clients. Pour ces entreprises, la nouvelle situation pourrait s’avérer vraiment difficile.
Par contre, les entreprises situées et gérées hors du Royaume-Uni et avec une part réduite de leur portefeuille national devraient prendre garde aux tensions existantes sur le marché interne des RH et proposer de nouveaux centres de services pour les clients ne trouvant pas de ressources locales.
L’anxiété a déjà atteint un point culminant en Inde, et les salariés d’Europe de l’Est qui travaillent pour des entreprises britaniques commencent à se poser des questions. Toutes les activités financières concernées de près ou de loin par le Brexit deviennent stressantes. C’est un peu une double peine et on peut être certain qu’il y aura du sang sur les pavés.
Cette situation est une illustration parfaite de la complexité de l’économie contemporaine. Comment même aurions-nous pu envisager qu’une nation d’entrepreneurs comme les Britanniques aurait pu prendre une décision qui va à l’encontre des entreprises ? Les risques ne doivent jamais être sous estimés à un moment où la géo-diversité des sources de revenu n’est plus une option, même dans un contexte d’outsourcing. Et même spécialement dans l’outsourcing ! C’est probablement la raison pour laquelle Pentalog a facturé plus de 10 pays cette année.
La configuration géopolitique se complique et dans le même temps l’Europe a besoin de renforcer sa défense interne et ses collaborations en matière de sécurité. Le Brexit est-il le début de désintégration de l’Europe au moment même où la prospérité et le niveau de vie du continent sont menacés de partout ? De Russie en Irak ? Ou en interne, comme en France, en Belgique et maintenant en Allemagne ? Bon, ce n’est pas mon job de trouver des réponses à ces questions. On a des experts et des professeurs pour cela… Notre rôle en tant que CEO est de protéger nos entreprises et leurs intérêts en les informant sur les risques existants, quel qu’en soit le type (portfolio de clients, monnaies, géopolitique, sites de production de logiciels). Le Brexit nous rappelle seulement que l’outsourcing des années 2000 est mort. Nos entreprises ne vendent plus de codeurs Java, de solutions ou de services. Nous vendons des raisons et du sens. Nous vendons de l’accélération et des leviers, de la gestion de risques, un accès au pool de talents et un contrôle des coûts.
De nos jours, les services sont plus sophistiqués que les produits logiciels, comprenant des tonnes de fonctionnalités complexes et exigeant des réglages fins tels que l’accessibilité (langage, gestion des différences culturelles, décalages horaires), de la qualité (processus et agilité), de la disponibilité (24/7, 7/7), de l’agnosticité (toutes les technologies et tous les domaines d’activité), de l’évaluation des risques et du contrôle (géopolitique, fluctuation de la monnaie).
Pour un CEO de 2016, le Brexit ne devrait pas être plus qu’un incident et une opportunité.*